Injonction de payer : une conciliation nécessaire pour les petites créances ?
La Cour de cassation est d’avis que la procédure d’injonction de payer n’est, dans aucune de ses deux phases, soumise à l’obligation, prévue à l’article 750-1 du Code de procédure civile, d’une tentative préalable de résolution amiable du différend.
La procédure d’injonction de payer
Pour quelles créances ? La créance doit résulter d’un contrat civil ou commercial. L’injonction de payer ne peut toutefois pas être utilisée pour recouvrer un chèque sans provision, pour lequel il existe une procédure spécifique.
Contre quels « mauvais payeurs » ? Le débiteur peut être une personne physique ou morale de droit privé. Il doit résider en France ou y avoir un établissement et ne doit pas faire l’objet d’une procédure collective.
Une demande auprès du tribunal. Le juge territorialement compétent est celui du lieu où demeure le débiteur. Selon la nature civile ou commerciale de la créance peuvent être saisis :
- le juge des contentieux de la protection : il connaît des demandes, en matière civile, relatives aux crédits à la consommation ou à des loyers impayés, quel qu’en soit le montant ;
- le président du tribunal judiciaire : il connaît des demandes, en matière civile, qui ne relèvent pas de la compétence d’une autre juridiction (si la créance est supérieure à 10 000 €, la requête doit être rédigée par un avocat) ; ou
- le président du tribunal de commerce : il connaît, quel qu’en soit le montant, des demandes relatives aux actes de commerce, des litiges entre commerçants ou entre commerçants et sociétés commerciales.
Déroulement de la procédure. La requête est remise au greffe de la juridiction compétente, par courrier ou par voie électronique (www.tribunaldigital.fr). Elle doit contenir, à peine de nullité : la forme de la société, sa dénomination, l’adresse de son siège social et votre identité en tant que représentant légal ; les nom, prénoms et domicile du débiteur ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ; et l’objet de la demande. Elle doit indiquer de manière précise le montant de la somme réclamée, avec le décompte des différents éléments de la créance et le fondement de celle-ci, et elle doit comprendre le bordereau des documents justificatifs produits à l’appui de la requête, qui, bien sûr, doit être datée et signée.
Une ordonnance d’injonction de payer. En cas d’acceptation de la requête par le juge, le greffe remet au créancier, immédiatement, une copie certifiée conforme de la requête et de l’ordonnance d’injonction de payer revêtue de la formule exécutoire, qu’il lui appartiendra de faire signifier au débiteur, par acte d’huissier de justice, dans un délai de six mois.
Et après ? Le débiteur peut former opposition dans le délai d’un mois qui suit la signification de l’ordonnance. À l’expiration du délai d’opposition et en l’absence d’opposition, le débiteur ne pourra plus exercer aucun recours, et le créancier pourra mettre en œuvre les mesures d’exécution forcée pour recouvrer votre créance impayée.
Coût de la procédure. La requête est gratuite en matière civile, mais la signification de l’ordonnance faite au débiteur entraîne des frais d’huissier. Devant le tribunal de commerce, il convient d’acquitter des frais de greffe qui s’élèvent à un peu plus de 30 €. Ces frais ne comprennent pas les éventuels frais de l’huissier de justice, voire d’un avocat.
Créances civiles jusqu’à 5 000 € : une tentative de résolution amiable...
Une obligation depuis le 1‑10‑2023. Depuis le 1‑10‑2023, pour les créances civiles d’une somme maximale de 5 000 €, vous avez l’obligation de tenter un règlement amiable avant d’avoir le droit de saisir le tribunal. La tentative de conciliation est obligatoire, sous peine d’irrecevabilité de votre demande devant le tribunal. Cela avait déjà été imposé en 2020, puis supprimé en 2022 (CE 22‑9‑2022 nos 436939 et 437002), pour redevenir obligatoire à compter du 1‑10‑2023 (décret 2023‑357 du 11‑5‑2023, JO du 12 ; C. proc. civ. art. 750-1). Ce n’est que si la conciliation n’a pas abouti que vous pourrez alors réaliser une injonction de payer.
Comment ? Cette tentative de compromis amiable peut être faite soit en conciliation menée par un conciliateur de justice, soit en médiation. Mais, le médiateur étant payant, le plus courant, le plus facile et le moins onéreux sera le recours à un conciliateur de justice. Notez que la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances diligentée par un commissaire de justice est également une procédure amiable.
Bon à savoir. Devant le tribunal de commerce, aucune tentative de conciliation n’est exigée. Ainsi, si le débiteur est un artisan, un commerçant ou une société commerciale, le créancier pourra directement saisir le tribunal de commerce.
... non obligatoire avant le dépôt d’une injonction de payer
Une question. L’obligation de tentative préalable de résolution amiable du différend est-elle applicable tant dans la phase initiale de la procédure d’injonction de payer que dans celle engagée dans l’hypothèse d’une opposition du débiteur ?
Réponse de la Cour de cassation. L’article 750-1 du Code de procédure civile prévoit des dispenses de l’obligation de tentative préalable de résolution amiable du différend dans certains cas d’espèce, notamment en cas d’urgence manifeste ou lorsque les circonstances de l’espèce rendent impossible une telle tentative ou nécessitent qu’une décision soit rendue non contradictoirement. Il en résulte que cette obligation de tentative préalable de résolution amiable du différend est conçue comme étant incompatible avec de telles situations. Or, si la procédure d’injonction de payer n’entre pas dans ces cas de dispense, elle n’en constitue pas moins une procédure dérogatoire au droit commun. Dans la première phase de la procédure d’injonction de payer, tant les objectifs de célérité et de bonne administration de la justice qu’elle poursuit que son caractère non contradictoire jusqu’à l’opposition sont incompatibles avec l’obligation de tentative préalable de résolution amiable du différend. Dans la seconde phase de cette procédure, le caractère contradictoire est rétabli. Néanmoins, alors que le non-respect de l’obligation est sanctionné par l’irrecevabilité de la demande, ni l’article 750-1 du Code de procédure civile ni les dispositions relatives à la procédure d’injonction de payer ne prévoient ni n’organisent l’application de l’obligation de tentative préalable de résolution amiable du différend. Dès lors, la Cour de cassation est d’avis que la procédure d’injonction de payer n’est, dans aucune de ses deux phases, soumise à l’obligation d’une tentative préalable de résolution amiable du différend.
C. cass. 25‑9‑2025 n° 25-70.013
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